La légende des cinq frères

La légende des cinq frères

La légende raconte qu'il y a bien longtemps, cinq frères vivaient sur les terres de Fänelys.

L'ainé de la fratrie, Moraë, possédait une robe dorée comme les grains de sable. Le cadet, Bäwi, avait hérité d'une robe pie noire, le détail de sa robe rappelant sans peine les contours saillants des montagnes. Le troisième, Namü, était aussi brun que le bois. Le quatrième, Noöne, était une exception ; il était né aussi sombre que les ténèbres, puis sa robe avait lentement changé au fil des saisons pour finir grise clair, presque blanche. Le benjamin, Chüll, naquit dans une robe d'un noir profond et le demeura.

N'étant pas natifs du territoire, les cinq frères entreprirent de découvrir les nombreuses terres qui composaient cette nouvelle contrée. Après un si long voyage et tant de territoires découverts, peut-être bien que celui-ci serait le bon. La suite des événements exauça leur souhait ; cette terre était parfaite, bien au-delà de leurs espérances. Chaque biome y était présent, répondant à la préférence de chacun. Ainsi, Moraë qui adorait se prélasser dans la chaleur étouffante du désert - et puisqu'il était l'ainé - s'accapara la partie Est du territoire qu'il nomma Minëlys. A sa suite, Bawi, l'éternel amoureux des montagnes et de leurs sentiers escarpés, déclara que toute la partie centrale lui revenait et qu'elle porterait le nom de Sidälys. Namü, un brin contrarié de voir la jungle lui échappé, s'orienta sur une autre partie des terres - à l'Ouest - qui était bien plus riche en forêts et la nomma Hïnalys. Quand ce fut au tour de Noöne - le professionnel des lancers de boule de neige -, personne ne fut surpris de le voir choisir les terres les plus au Nord, qu'il appela Nörlys. Chüll, lui, n'eut pas vraiment le choix. Il dût se contenter du reste, donc des terres situées au Sud, entourées de celles appartenant à deux de ses frères. Il les nomma Zaëlys.

Les premiers mois qui suivirent l'attribution et l'appropriation des territoires se passèrent relativement bien. Aucune réelle tension ne naquit entre les cinq frères et pour cause ; ils ne manquaient de rien, tant leurs territoires étaient équilibrés. Au fil des mois et des nouvelles arrivées, ils formèrent même leurs propres clans. Plusieurs années défilèrent ainsi, jusqu'à ce qu'elle pose les sabots ici.


Elle répondait au doux nom de Rose. Et si elle en avait hérité de la beauté, il était certain qu'elle en avait également hérité des épines. Car tout le monde ici se mettait d'accord pour le dire ; Rose était chaleureuse et resplendissante comme un rayon de soleil, mais son cœur était aussi froid et sombre qu'une nuit sans lune. Il n'y avait pourtant pas que sa beauté qui faisait parler d'elle, une autre rumeur, bien plus sombre, racontait qu'elle était une sorcière. Avec un peu de chance, il n'était pas impossible de croiser ses iris orangés, fendus en deux par une pupille verticale.

Personne ne su réellement où elle avait élu domicile. Certains parlaient d'une vieille cabane au fond de la jungle, d'autre parlait d'un vieux temple au style asiatique à l'abandon, d'autres parlaient encore des ruines d'une vieille église, d'un chalet perdu au cœur des terres enneigés voir même d'une presqu'île entière, nichée au cœur d'une chaîne de montagnes. Pour dire vrai, des rumeurs disaient que tout ces lieux cités lui appartenait. La vérité n'en était pas si loin.

L'incroyable beauté de Rose eut raison des cinq frères. Aucun ne lui résista. Les uns après les autres, à tour de rôle, ils tombèrent amoureux de la jolie demoiselle au pelage tacheté. Et pendant un long moment, chaque frère pensa être le seul et unique amant de l'incroyable Rose. Evidemment, ils se trompaient. Rose, elle, se délectait de cette situation qu'elle avait fait naître en leur jurant les aimer et en leur faisant des promesses qu'elle ne tiendrait jamais. Il n'y avait plus qu'à attendre sagement... Bientôt, la tempête régnera.

Plusieurs mois passèrent avant que la situation ne change. Les premières tensions apparurent lorsque le secret n'en fut plus un. Rapidement, les frères se mirent à se disputer pour juger lequel serait digne d'avoir son amour et ses faveurs. En attendant, ils se jalousaient et se haïssaient un peu plus chaque jour, perdant lentement tout lien fraternel. De son côté, Rose se délectait de cette douce folie qui s'installait un peu plus profondément en eux. De nouveau, plusieurs mois passèrent ainsi, jusqu'au jour où elle jugea que les frères étaient allés trop loin. Lors d'une énième bataille pour s'attribuer la tachetée, le benjamin avait bien faillit tuer l'ainé. Rose, furieuse, décida alors de les punir pour leur ingratitude et leur arrogance. D'après les dires, elle leur lança une malédiction qui les transforma en ce qu'ils aimaient le plus au monde. Moraë devint une statue de sable ; Bäwi devint une statue de pierre ; Namü devint une statue de bois ; Noöne devint une statue de glace et Chüll devint une statue de fer. Chaque frère retrouva alors ses propres terres.

La statue de sable représentant Moraë se trouve dans le désert Jangwä, proche de l'oasis Müjiza (et non loin de l'entrée du souterrain qui mène vers les cellules Cerezä, direction les gorges Dÿlima).

La statue de pierre représentant Bawï se trouve dans la vallée Sïnth, sur le relief d'une montagne qui offre un passage entre la source Blüu et la presqu'île Dakära.

La statue de bois représentant Namü se trouve dans la forêt Emëra, entre la rivière Nestä et les chutes Paraëso mais également à proximité de la grotte Kaïn.

La statue de glace représentant Noöne se trouve sur la banquise Eskä, à proximité du lac gelé Trimïdi et des icebergs Pingü.

La statue de fer représentant Chüll se trouve dans le jardin Cierä, toute proche des ruines Aëgyr.

Ainsi, les frères furent séparés à jamais. Pour ce qui fut de l'avenir de Rose... Privée de ses jouets, elle quitta rapidement ces terres qui ne valaient plus rien à ses yeux, mais leur offrit un dernier cadeau... Un nom. Fänelys.

Aujourd'hui, la légende des cinq frères demeure mais n'est plus systématiquement racontée. Malgré tout, les plus vieux continuent de la raconter aux plus jeunes en leur soufflant qu'il paraîtrait que si on passe près du temple du royaume Haeïnsa, du chalet Ryllöma, de l'église Ymesträ, de la cabane Oshanï ou de la presqu'île Dakära - ces lieux qui ont connus les étreintes passionnées de chacun des frères pour la sorcière - on peut entendre les pleurs étouffés des frères maudits qui regrettent leur folie...